Justice-Police-Médias : une relation très possible


La police, la justice et les médias ne s’opposent en rien. La police, la justice et les médias ont le même horizon: celui de la perpétuation de l’ordre social et des injustices qui lui sont constitutives. Un ordre où il y a des riches et des pauvres, des exploiteurs et des exploités, des possédants et des dépossédés, et des gens qu’il faut bien soumettre par la force si on veut qu’ils restent à leur place.

Chacun, il est vrai, joue sa musique. À la police le maintien brutal de l’ordre : à la justice l’habillement de cette brutalité par les couleurs du droit : et aux médias la propagande qui justifie le tout.

Cette propagande est multiforme. C’est le journaliste qui ne prend ses infos qu’auprès de ses correspondants à la préfecture de police. C’est le énième « reportage » en direct des banlieues chaudes. C’est l’avalanche des feuilletons télévisés à la gloire des flics ou des juges. C’est cette impression qui se dégage des pages des faits divers que tout n’est que crime. Tout le reste, c’est à dire l’essentiel de l’activité de la police, et sa véritable raison d’être, disparaît derrière l’incessante publicité faite aux affaires sanglantes : en 2005 , il y a eu 500 condamnations pour homicides volontaires et 1600 pour viols pour presque 500 000 gardes à vue..

Les éventuels tiraillements entre les trois institutions portent sur des détails et jamais sur l’essentiel. Faut-il un peu plus de « présomption d’innocence » ? Un léger plus de « droit à l’information » ? Une soupçon supplémentaire de « droits de la défense ? » Un chouïa moins de « course au sensationnel » ?

Mais qui est concerné ? Pour les dizaines de milliers de prévenus qui passent à la chaîne en comparution immédiate et dont le dossier est constitué uniquement à charge pendant leur garde à vue, de tels débats sont tout simplement hors sujet. Ils ne les concernent pas. Leurs condamnations pleuvent dans l’anonymat routinier de la justice de masse sans que personne ne s’y intéresse vraiment, à l’exception de quelques chroniques hebdomadaires dans un ou deux journaux.

Ces quelques articles de presse critiques sur la justice et le droit sont marginaux, et ont vocation à le rester. Car si les policiers sont violents, les juges injustes et les journalistes partiaux, c’est bien parce qu’il y a un système qui attend d’eux qu’ils soient ainsi : et l’existence de quelques exceptions, loin de témoigner de la réforme possible d’un tel système, ne fait qu’en souligner la force, puisque celui-ci sait pertinemment où la somme des intérêts et des pressions diverses finira bien par faire pencher la balance au bout du compte.

Il n’y a donc rien à attendre ni de la presse, ni de la justice, ni de la police : il n’y a qu’à les combattre, à la manière, par exemple, des révoltés de l’automne 2005.


Elie Escondida et Dante Timélos