jeudi, juillet 13, 2006

Spinoza face au mal


« Folio plus Philosophie » nous permet d’approcher la pensée de Spinoza, de manière originale et très intéressante.
Effectivement dernièrement un livre sur la correspondance de Spinoza avec un certain Blyenbergh a été publié. Mais ce petit livre contient aussi un dossier (de Meriam Korichi) sur cette correspondance et plus largement sur la philosophie de Baruch Spinoza. On peut aussi trouver à l’intérieure une analyse en rapport avec le texte d’une œuvre d’art, dans ce cas c’est un tableau de Titien : « Tarquin et Lucrèce » peint en 1571.

La correspondance que Spinoza a avec ce Blyenbergh est à l’origine une demande de précisions sur « les principes de la philosophie de Descartes » publiés en 1663 par le philosophe.

Le Dialogue devient vite une confrontation entre deux pensées, deux manières de voir totalement divergentes.
D’un coté nous avons un Blyenbergh qui cherche la vérité, sans pour autant vouloir se détacher de ses croyances, ils se présentent d’ailleurs comme « philosophe chrétien » . Il ne peut donc pas accepter ce qu’impliquent des concepts qui sortent du carcan des écritures théologiques. Et donc il se retrouve pris au dépourvu devant les raisonnements révolutionnaires de Spinoza.

Le point problématique entre tous, et la vision que les deux personnes ont du mal et de la corrélation entre la volonté humaine et Dieu.

Blyenbergh reste dans une vision purement judéo-chrétienne. Le « mal » est donc du à la volonté exclusive de l’homme, en dehors de la volonté de Dieu, c’est l’idée du « libre-arbitre » créé entre autre par un des pères de l’église comme Saint-Augustin, pour donner une explication du "mal" dans un monde créé par un être suprême "bon".
« L’affirmation de la liberté de la volonté humaine permet d’innocenter [Dieu] et de rendre compte de la cause du mal »

Alors que Spinoza a une approche totalement nouvelle, pour lui le mal n’est pas une chose concrète, le mal n’est pas une « essence ». Ce n’est qu’un relativisme qui découle de la vision qu’un homme peut avoir d’actes isolés dans un ensemble. Cela dépend de facteur totalement déterminé par l’« essence » de l’être et par sa bulle sociale.
Spinoza écrit dans l’Ethique, à la proposition 64 de la quatrième partie : « La connaissance du mal est une connaissance inadéquate », « de la suit que, si l’esprit humain n’avait que des idées adéquates, il ne formerait aucune notion du mal ».

Cela remet totalement en cause, les concepts moraux de l’époque, ce qui a pour effet de déstabiliser son interlocuteur, qui n’arrive pas à ce détacher de l’aspect de foi pour suivre celui du raisonnement. Il ne peut pas se détacher de la théologie (la foi) pour rentrer dans la philosophie (la raison).

Ce n’est pas pour autant que Spinoza laisse un vide, après avoir écarter l’ancienne vision morale. Il discerne bien une différence entre un être « juste » et un « méchant ». Les uns ont juste réussi à s’approcher de la lumière, ils sont moins ignorants et sont porteurs d’une vrai éthique et non pas d’une morale, corpus liberticide composé d’interdit et d’ascétisme.

Il l ‘écrit lui-même « […] les œuvres des gens de bien (c’est à dire ceux qui ont de Dieu une idée claire et règlent sur elle toutes leurs actions et toutes leurs pensées), celles des méchants ( c’est à dire ceux qui n’ont pas l’idée de Dieu, mais seulement les idées des choses terrestres et règlent sur elle leurs actes et leurs pensées) et enfin les œuvres de tous les êtres existants découlent nécessairement des lois éternelles et des décrets de Dieu […] »

On voit que Spinoza a une conception de Dieu tout à fait singulière, Dieu n’est pas juge mais créateur, les écritures ne sont que des commandements d’humains et donc aucunement de nature divine, dans le sens qu’ils ne sont que des interprétations imparfaites faites par l’homme pour commander les hommes.
On voit par-là l’effet régulateur et politique de la religion.

Même s’il n’était pas athée, Spinoza subit les foudres des institutions religieuses, il fut exclu de la synagogue et de la communauté juive en 1656 pour « hérésie »
On sent dans la pensée de Spinoza, la naissance d’un courant de pensée qui mettra l’homme et sa liberté devant Dieu et son ascétisme. Il est le précurseur du matérialisme, et des lumières.

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